Refonder l’entreprise, la société anonyme et l’intérêt social par la comptabilité environnementale
Article CFDC
Jacques Richard, 2015
Notre époque est marquée par une inquiétude grandissante sur lesméfaits d’une gestion capitaliste financière qui non seulement risque de saper les fondements écologiques de notre vie (voir notamment les constats du GIEC) mais aboutit à une disparité de répartition des richesses socialement insupportable (Piketty, 2013). Dans le domaine écologique de très nombreuses solutions sont envisagées mais la question principale tourne autour de mesures de type économique comme les taxes environnementales et les marchés de carbone. Dans le domaine social et sociétal on assiste à une résurgence de la réflexion de nombreux juristes sur une réforme de la gouvernance des entreprises principalement inspirée par une théorie américaine : la « théorie des parties prenantes » (stakeholder theory).
Le point commun problématique de toutes ces initiatives est qu’elles n’accordent qu’une place très faible sinon inexistante à la réforme de la comptabilité des entreprises et tout particulièrement de la comptabilité générale financière (CGF). Pourtant, la comptabilité des entreprises privées et publiques, dont Max Weber avait bien vu l’importance en tant qu’instrument codifié par le droit de la rationalité de ces entreprises, est une des causes principales sinon première de la situation dramatique dans laquelle se trouve notre humanité.
Le but de cet article est de proposer les bases théoriques et conceptuelles de sa réforme pour fonder un nouveau droit comptable environnemental qui entérinerait notamment une nouvelle acception des concepts de capital et de profit pour une gouvernance écologique et humaine. Cette construction pourrait déboucher ensuite sur une réforme du droit des sociétés et notamment du concept d’intérêt social.
Pour tenter de présenter ces propositions nous rappellerons d’abord à grands traits dans une première partie le cadre historique de l’évolution des concepts comptables de capital et de profit depuis les débuts du capitalisme, puis, dans une deuxième partie, nous présenterons les concepts qui fondent une nouvelle méthode comptable environnementale : la méthode CARE
(Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l’Environnement). La troisième partie sera dévolue à des éléments de proposition de réforme de la gouvernance des entreprises et des fondements du droit des sociétés, dont l’intérêt social.
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